Les librairies

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Jusqu’en 1505, 23 personnes attachées aux métiers du livre étaient recensées dans la ville de Tours. Parmi elles, se trouvaient des marchands-libraires, des imprimeurs, mais aussi des relieurs et des écrivains. À Tours,comme ailleurs en France et en Flandres, nombre de libraires affectionnaient de s’installer à proximité des cathédrales, églises et autres abbayes. Deux pôles principaux se détachaient dans la cité. Le premier était du côté de la basilique Saint-Martin, le second, au niveau de la rue de la Scellerie et ses environs immédiats [Augereau, 2003, p. 586] avec une prédilection pour ce dernier. Cette implantation pourrait s’expliquer par la présence dans la même rue de la Chancellerie qui devrait être très demandeuse en papier et ouvrages.

Certains des libraires ayant boutique avaient fait le choix de se spécialiser dans un secteur d’activité précis. Tugdual Gaultier, actif en 1474, faisait ainsi  son commerce des livres d’occasion. Quant à Olivier Robin, attesté en 1497, il officiait dans le prêt d’ouvrages [Hoogvliet]. La librairie située devant l’hôtel Dunois, dont l’inventaire dressé au XVe siècle demeure [RenumarRenumar, Renumar, Renumar], a longtemps posé question. Certains ont voulu faire de cette librairie la bibliothèque privée de Jacques de Beaune, surintendant des finances, qui possédait l’hôtel Dunois entre 1518 et 1527. Cependant, il apparaît davantage qu’il s’agissait d’une librairie. Selon Margriet Hoogvliet, cette boutique aurait été spécialisée dans la vente de livres d’occasion [Hoogvliet]. Bernard Chevalier identifie la clientèle des librairies de Tours de la première moitié du XVIe siècle comme se composant essentiellement de personnes aisées en quête d’ouvrages de piété et prêtes à débourser de belles sommes pour une édition de qualité réalisée à la main et enluminée [Chevalier, 1983, p. 326-327].

Peu d’informations sur les librairies en activité au milieu du XVIe siècle nous sont parvenues. L’activité semble en berne et a laissé peu de traces. Seule une librairie est localisable avec précision rue de la Scellerie, face aux Cordeliers, en 1530. Elle était tenue par le libraire et imprimeur Mathieu Chairsalle qui louait la boutique de Jean Binet [Renumar, 2 juin 1530]. Il faut véritablement attendre la fin du siècle pour que l’activité des libraires et imprimeurs à Tours prenne un nouvel essor avec l’arrivée de la cour d’ Henri III à Tours et l’installation du Parlement dans l’abbaye Saint-Julien. En 1589, la ville comptait trois imprimeurs et six libraires [Augereau, 2003, p. 578], ce chiffre paraît bien faible en comparaison de la vingtaine qui officiait au début du siècle. On dénombrait notamment la boutique de Zacharie Griveau, imprimeur du roi, rue Boucassin (actuelle rue du Président Merville), en face du Présidial [Augereau, 2003, p. 587]. Sa contiguïté avec le palais de justice devait lui assurer le marché de fourniture du tribunal en papier. On peut également citer celle située à l’angle de la rue de La Scellerie d’avec la rue Traversaine et qui faisait face au jeu de paume de l’Oison Bridé [Augereau, 2003, p. 589] où s’était installé Marc Orry en 1593 [Renumar, 9 octobre 1593].

Dès le début de l’année 1589, les librairies investissent un nouveau lieu : le cloître de l’église Saint-Julien. Jamet Mettayer fut le premier à s’installer dans la galerie sud, le long de l’église. Peu de temps après, il fut rejoint par Maurice Bouguereau qui prit place dans l’enceinte du monastère. En janvier 1590, trois espaces furent aménagés dans la galerie sud à côté de la boutique de Jamet Mettayer. En définitive, entre 1589 et 1592, ce fut une dizaine de gens spécialisés dans les métiers du livres (libraires, imprimeurs et autres) qui prirent possession des arcades du cloître. Ces libraires et imprimeurs travaillaient en étroite collaboration avec le Parlement, qui siégeait dans l’abbaye Saint-Julien. Ils créèrent ainsi un petit « Palais » à l’instar de celui de Paris où ils travaillaient auparavant [Augereau, 2003, p. 614]. Ces boutiques servaient d’imprimeries, de librairies mais aussi de papeteries au Parlement. Aucun des professionnels tenant ces librairies n’était originaire de Tours, tous avaient suivi le Parlement lors de sa fuite de Paris. D’ailleurs, aucun d’entre eux ne resta dans la cité après le départ du Parlement et de la cour. L’activité des libraires du cloître fut donc éphémère et ne s’attarda pas après mars 1594 [Augereau, 2003, p. 693].

En plus des librairies, la ville de Tours comptait également plusieurs bibliothèques privées. Bien qu’appartenant à des particuliers, elles étaient pour la plupart ouvertes au public et s’adonnaient parfois au prêt d’ouvrages [Hoogvliet]. Parmi ces dernières, peut notamment être citée celle d’Adam de Longuemort qui comprenait 71 livres [Augereau, 2003, p. 510]. Ces collections privées sont connues grâce aux inventaires réalisés par les libraires à la demande des propriétaires ou de leur famille. Ils témoignent d’un autre aspect du métier de libraire à la Renaissance. Non seulement les libraires pouvaient imprimer, vendre et prêter des livres mais ils pouvaient, à l’occasion, réaliser des inventaires de bibliothèques pour des particuliers. Leur expertise était précieuse pour évaluer la valeur des ouvrages. La famille d’Adam de Longuemort avait ainsi fait appel, en 1590, à Laurent Richard dont la boutique était rue de la Scellerie à l’enseigne Saint-Jean l’Évangéliste, pour dresser la liste des ouvrages composant sa bibliothèque et en estimer le prix [Augereau, 2003, p. 512].

Aux libraires et bibliothèques privées, il faut ajouter les bibliothèques ecclésiastiques que l’on retrouve également sous le terme générique de librairies. Parmi ces dernières, la plus prestigieuse était sûrement la librairie du cloître de La Psalette. Située au premier étage du cloître, cette librairie était l’œuvre de l’archevêque Jean Bernard (1441-1466). Dans un premier temps uniquement réservée aux moines du chapitre de la Cathédrale, son accès fut étendu aux membres du clergé du diocèse de Tours et aux érudits européens par l’archevêque Hélie de Bourdeilles (1469-1484). Jacques-Auguste de Thou voyait en elle l’une des plus importantes du pays. L’abbaye de Marmoutier comptait également une importante librairie. Elle fut victime des protestants qui l’incendièrent en 1562 [Augereau, 2003, p. 508].

 

Bibliographie

Augereau Laurence, La vie intellectuelle à Tours pendant la Ligue (1589-1594), Thèse de Doctorat : Littérature française, Université de Tours, Tours, 2003.
Chevalier Bernard, Tours ville royale, 1356-1520, Chambray, C.L.D., 1893.
Hoogvliet Margriet, Une collection de livres en français à lire, à copier, à emprunter et probablement à vendre, à Tours vers 1500, article en ligne, Renumar.